L'expression est de Henri Cartier-Bresson et elle hante tous les photographes.

J'ai compris le concept à l'âge de vingt ans, à New-York, le jour où j'ai pris cette photo. Ou plus exactement quarante jours plus tard, en recevant  par la poste le film développé.

Washington Square, le 10 juillet 1982. J'aperçois ces deux hommes près de la fontaine. Le contraste entre ce Noir à veste noire et ce Blanc... très blanc est saisissant. Cela ne suffit toutefois pas à réaliser une bonne photo; encore faut-il le cadre, le point de vue... Et surtout attendre le moment idéal, l'attitude parfaite. Je m'installe sur un banc à proximité, je replie mes genoux et y appuie mon appareil... Et j'attends.

Douzes minutes. C'est les amis qui m'accompagnaient qui me l'ont dit.

Après cinq minutes, j'ai déclenché une première fois, au cas où... La photo ne vaut pas grand chose. Au bout de douze minutes, un cycliste actionne sa sonnette sur la gauche et des mouettes s'envolent sur la droite. L'instant décisif !

Avec un appareil digital, j'aurais certainement déclenché une trentaine de fois. J'avais vingt ans, je voyageais sur mon salaire d'apprenti. La pellicule coûtait cher.

Une expérience irremplaçable.

Photographe et graphiste